Chroniques interactives Saison 1

Chroniques Interactives – S01E01

Chroniques Interactives - Saison 1

Présentation rapide de ce concept

Comme expliqué dans l’édito du site (article précédent), tous les mardis soirs à 20h, vous aurez droit à une nouvelle partie de l’histoire déterminée par les choix que vous aurez fait la semaine d’avant sur l’épisode précédent. Il s’agit d’un petit concept à mi-chemin entre le jeu de rôle et un “livre dont vous êtes le héros”. Les choix seront disponibles par le biais d’un sondage, en toute fin d’article et se clôtureront chaque semaine le samedi à 20h pour me permettre d’avoir le temps d’écrire la suite pour le mardi qui suit.
Exceptionnellement, le texte de cet épisode est particulièrement long (mais c’était nécessaire pour présenter un minimum l’univers).

Je préfère également le préciser, je ne me sers d’aucune IA pour écrire cette histoire, tout sort tout droit de ma tête. Sur ce, mettez-vous en condition pour la lecture (environ 2300 mots) et profitez bien de cette expérience narrative. N’hésitez pas non plus à réagir à votre lecture en commentaire, l’espace dédié sous cet article est fait pour ça !

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Pour une lecture dans les meilleures conditions, je vous conseille d’utiliser un casque ou des écouteurs et de lancer cette musique en fond :

Prologue

Je me réveille enfin. L’air est toujours irrespirable chez moi, mais bon, c’est la même chose partout ailleurs dans cette foutue ville. Depuis plus d’une dizaine d‘années, la pollution a dépassé le stade 5. Le stade 4 était déjà critique : risques très accrus de cancers. La triste réalité, c’est que maintenant les pauvres voient leur espérance de vie diminuée d’un tiers et régressée à un âge moyen de 55 ans avant décès.

Quant aux riches, ils vivent dans leur petit monde, protégés de tout, à plus de 300 m au-dessus de nos têtes. Dans leur petit paradis, il n’y a que très peu d’air vicié mais pour se débarrasser du peu de pollution qu’ils produisent eux-mêmes, ils ont mis en place des systèmes qui ressemblent à de hautes tours et qui font office d’énormes filtres. En fin de filtration, ces installations rejettent tout l’air pollué sur nos tronches, dans les bas-fonds, ici-même. Mécaniquement à cause de ça, la pollution ne cesse d’augmenter de manière exponentielle chez nous à tel point que certains jours, nous avons en plus d’un épais brouillard très opaque qui ne nous permet pas de distinguer à plus de cinq mètres devant nous, une couche de suie très fine qui vient s’y mêler. Vous revenez chez vous, et en plus de tousser au point où vous avez l’impression que vous allez cracher vos poumons, vous avec le visage et les vêtements qui ressemblent à ceux d’un ramoneur qui viendrait tout juste de terminer son travail dans un conduit de cheminée.

Je finis par sortir du lit, après avoir vu la date sur l’image holographique que renvoie mon ordinateur sur le plafond, au-dessus de mon lit : samedi 18 mars 2132 – 15h53. J’aurai pourtant parié qu’on était toujours le matin. De toute façon, impossible de se repérer temporellement avec toute cette brume à l’extérieur. Même les rares rayons de soleil qui arrivent encore à se frayer un chemin à travers le plateau du paradis au-dessus de nous, sont à peine visibles à notre niveau. Mes yeux s’attardent sur ce bouton rouge, juste à côté de la commode de mon lit. Il suffirait d’un simple appui dessus pour que ma vie ne soit plus un enfer …
Un son retentit dans la pièce et me sort de ma torpeur :

« Aucune des factures suivantes n’a encore été réglée Mr Richardson :

  • Loyer : 500 $. Votre propriétaire vous a déjà relancé trois fois cette semaine et entamera une procédure d’expulsion si le virement de ce montant ne lui est pas fait dans les trois prochains jours.
  • Pension pour votre ex épouse : 600 $. Le tribunal vous a déjà averti que si ce mois-ci la pension n’est toujours pas versée, vous perdrez définitivement le droit de visite qui a été accordé pour voir vos enfants.
  • Taxe « au droit de respirer », calculée au prorata de l’oxygène que vous avez consommé ce mois-ci et donc du CO2 que vous avez expiré : 146 $. Si celle-ci n’est pas réglée dans les temps, une saisie de vos biens sera effectuée par les services mandatées par le Ministère du Droit à Respirer pour en régler le solde.
  • Electricité : 480 $, pénalités comprises pour les retards de paiement de cette année. »

Je me prends la tête dans les mains et me met à hurler :

« T’as pas bientôt fini de me faire chier avec tous ces rappels chaque matin Siri !!!

— Monsieur Richardson, je suis programmé pour ça. Veuillez vous calmer, s’il vous plaît. Vous savez bien que si l’on vous observe en ce moment même, à travers les caméras obligatoires qui sont installées dans votre logement, vous risqueriez de perdre des points supplémentaires sur votre permis citoyen. Votre situation n’étant déjà pas au mieux, j’essaie de vous aider à trouver des solutions. Je ne suis pas votre ennemi. »

Voilà encore une raison pour laquelle je ne supporte plus cette enceinte connectée, maintenant obligatoire chez tous les ménages. Cet appareil au-delà de ses fonctions de base, telles qu’elles avaient été pensées à l’origine de sa création (écouter de la musique, demander une information, …), se conduisait maintenant comme un petit soldat envoyé par le gouvernement pour être sûr de rappeler à chaque personne de se comporter en citoyen exemplaire.

Ça ne m’aurait même pas étonné si derrière, cette petite machine faisait remonter tout ce que l’on disait aux instances gouvernementales via ses petits micros. Ça ferait même sens et irait de pair avec les caméras installées dans chaque logement. Le principe, très simple, savoir que l’on peut être espionné à tout moment par notre Etat et donc s’auto-censurer, et ne jamais le critiquer de quelque manière que ce soit. Bien sûr, il est impossible pour eux d’espionner tout le monde au même moment mais le simple fait de savoir qu’aléatoirement, ça sera fait chez eux, les gens se conditionnent pour n’évoquer que des sujets qui ne leur portera pas préjudice.

« Monsieur Richardson, votre salaire est arrivé sur votre compte et amène votre solde à -1402 $. Vous êtes donc toujours à découvert et votre banque a, depuis hier, gelé vos avoirs jusqu’à ce que votre compte redevienne créditeur.

— Attends Siri, comment c’est possible que je sois autant dans le rouge si mon salaire est enfin arrivé ? Je devrai être autour des 100 $ !

— Si vous ne vous étiez pas garé à cheval sur le trottoir avec votre voiture la semaine dernière, vous n’auriez probablement pas eu un malus de 40 points sur votre permis citoyen qui vous a valu une amende de 1500 $, à cause du déclassement de votre permis en rang F. Il ne vous reste que 10 points dessus.

— Qu’est ce que c’est encore que cette histoire ? Aucune autre place autorisée n’était disponible ! Et si je ne me présentai pas dans les temps à ma convocation chez mon responsable de manutention, j’aurai probablement été viré !

— Les circonstances n’importent guère, Monsieur Richardson. Seuls les faits sont pris en compte. »

Je me retourne furieux vers une des caméras et me met à hurler :

« Comment vous voulez que les gens sortent la tête de l’eau si vous leur prenez tout ? Je n’ai plus rien, à cause de vous ! Espèce d’immondes salopards sans cœur, voilà ce que vous êtes ! »

Dans un ultime accès de rage, je m’empare de Siri, la tire jusqu’à arracher son câble, et l’envoie valser sur la caméra à laquelle je m’adressai. Les entrailles de Siri se répandent au sol, sa carte électronique cassée en deux et la boule en aluminium faisant office de contenant maintenant déformée. J’ai toujours courbé l’échine à chaque nouvelle injustice, mais cette fois c’en est trop !

En me rapprochant à nouveau de mon lit, je me sens irrésistiblement attiré par ce bouton rouge. C’est peut-être la seule bonne chose que ce gouvernement ait mis en place. Mais avant d’appuyer dessus, il me reste une dernière chose à faire.

Je m’installe devant mon ordinateur et enregistre un dernier message pour mes enfants, que je finis par leur envoyer. Il sera certainement intercepté et supprimé, mais je garde quand même l’espoir que peut-être, il passera à travers les mailles de leur filet de filtrage et qu’ils pourront l’écouter. Il ne faut pas qu’ils croient tout ce qu’on finira par dire sur moi. Pas question que la dernière image qu’ils aient de moi soit celle-là.

Je les entends déjà dans l’escalier. Il était évident qu’ils arriveraient vite après ce que je viens de faire mais là, ils me surprennent.

Je prends mon temps et m’allonge de nouveau dans mon lit, tandis que je les entends tambouriner à ma porte :

« C’est la police Monsieur ! Veuillez ouvrir tout de suite ! Vous avez commis une grave infraction, il va falloir que vous nous suiviez ! Hé ho ! Vous m’entendez ? Si vous ne nous ouvrez pas, on va être dans l’obligation de défoncer votre porte et les frais pour tout remettre en état seront à votre charge ! »

Pendant qu’ils s’égosillent, je me tourne vers ce bouton rouge, qui est à ce moment là mon seul salut pour ne plus jamais souffrir et qui me permettra de me rendre dans un monde où les douleurs n’existent plus.

J’ouvre la protection en plastique qui cache le bouton, et j’appuie dessus. Le bouton se met à clignoter avec une lumière rouge très vive et une notification apparaît sur ma montre : « S’il s’agit d’une erreur, veuillez appuyer sur le bouton « Annuler » au cours des trente prochaines secondes. Si c’est un choix intentionnel, installez-vous confortablement et profitez de l’instant, ça ne sera pas long. » Je ferme les yeux tandis que j’entends des coups sourds sur ma porte et le bois qui commence à voler en éclats. Quelques secondes, qui me semblent être une éternité, passent et soudain, je vois un tunnel blanc et un sentiment de sérénité s’empare de moi, puis le néant. Avant ma fin, je ressens une légère vibration de ma montre qui indique que tout s’est bien passé. Elle doit sans doute afficher le message :

« Votre demande de mise à mort a bien été prise en compte. Votre implant nous indique que tout s’est bien passé. Tous vos biens seront légués à l’Etat. »


**1**

Il est 8h du matin, le temps pour moi d’avaler un bout de pain en vitesse, de mettre cet uniforme bleu marine sur lequel est apposé « Inspecteur d’Etat » au dos et de filer en vitesse pour prendre mon poste. A peine je franchi le seuil de la porte que je reviens en vitesse chez moi pour récupérer mon masque. Ils prévoient une journée ignoble et un pic de pollution accrue avec de possibles pluies acides. L’un des rares avantages à bosser pour l’Etat, c’est qu’on bénéficie de tenues renforcées qui peuvent tenir un certain temps face aux retombées de pollution qui se matérialisent par une fine pluie acide. Le revêtement du masque en polypropylène transparent avec son système de filtration intégré permet également de résister à cette acidité corrosive.

Masque porté par les Inspecteurs d’Etat

Je le mets sur ma tête puis je sors de chez moi après avoir verrouillé ma porte. Une notification apparaît sur ma montre : « Verrouillage activé. L’Etat se porte garant de vos biens et mettra tout en œuvre pour qu’aucune infraction ne soit commise chez vous ».

Un kilomètre me sépare de mon bureau. Y aller à pied me permet de me mettre en jambes de bon matin. Pas grand monde dans les rues, et c’est d’autant plus compréhensible avec les pluies acides d’aujourd’hui. Toujours le même paysage apocalyptique chaque matin qui se dresse devant moi. Des carcasses de voiture qui trainent dans les rues et qui doivent être là depuis un bon bout de temps, bouffées par l’acidité des pluies. C’est d’ailleurs aujourd’hui, comme chaque semaine, que la dépanneuse devrait passer pour virer tout ça du paysage.

Plus de traces non plus de végétation depuis bien longtemps. La faute au manque d’ensoleillement à cause du plateau au-dessus de nos têtes, et à l’acide. Du goudron, que du goudron, à perte de vue et des bâtiments dont certain ont un équilibre relativement précoce depuis des années mais sont toujours debout.

En marchant, je m’aperçois au dernier moment qu’un cadavre est au sol, brûlé de manière assez prononcée. Chaque gouttelette de pluie qui tombe sur sa chair calcinée émet un léger « pschit » et créé une nouvelle crevasse.

« Je ferai mieux de prévenir les collègues qui s’occupent de l’urbanisme, pour qu’ils puissent envoyer une requête de nettoyage aux agents d’entretien de la ville. Ça évitera les odeurs nauséabondes qui commencent déjà à émaner du corps. »

Le pauvre bougre est malheureusement sorti au mauvais moment, sous cette pluie acide. Sans équipement, l’espérance de vie est de moins de 10 minutes.

Après avoir sorti ma tablette, elle-même protégée, et averti le service concerné, je commence à la ranger dans la poche intérieure de mon uniforme, prévue à cet effet. A peine engagée dedans, un choc me la fait glisser des mains et elle finit sa chute au sol, complètement explosée. La pluie faisant son œuvre, maintenant que la protection est endommagée, je suis sûr qu’elle n’est pas près de refonctionner …

En faisant instinctivement un pas de côté, ma main sur le holster de mon arme, je m’aperçois qu’une jeune femme qui a l’air plus qu’épuisée, cheveux en bataille et portant des bottes – certainement adaptées pour se protéger de la pluie acide – vient de me rentrer dedans. Elle tient une véritable garde-robe au-dessus de sa tête en guise de protection contre la pluie. Visiblement, les premières couches commencent déjà à se désagréger.

Elle prend la parole, complètement confuse :

« Oh, vous êtes inspecteur ? Je suis vraiment désolée ! Je vous en prie, ne me punissez pas ! Je ferai tout ce que vous voudrez !

— Vous savez que vous venez de percuter un agent en service m’dame ? Ça pourrait vous coûter très cher sur votre permis ! Mais d’abord, qu’est ce que vous faîtes dehors avec ce temps-là ?

— Infiniment désolée, ce n’était pas volontaire ! Je ne vous voyais pas avec tout ce que j’ai sur la tête. Il faut de toute urgence que j’aille récupérer mon fils à l’hôpital car ils viennent de terminer de l’opérer. Si je ne suis pas à l’heure, je vais devoir payer des pénalités de garde et je ne peux pas me le permettre après le prix de l’opération, vous comprenez ? J’en invoque à tout ce qu’il y a de plus humain en vous monsieur, ne me punissez pas, s’il vous plaît.

— Vous savez qu’un bien de l’Etat a été détruit par votre faute ? Qui va payer tout ça ?

— Je … je ne sais pas, mais on pourrait s’arranger plus tard ? Je vous laisse mes coordonnées, il n’y a aucun problème. S’il vous plaît ! »

Les couches des habits qu’elle porte au-dessus de sa tête commencent à se désagréger de plus en plus vite.

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